de jouer dans la langue et d’en rire
d’en rêver qu’on find out
qu’on communique
même si le voisin fait mine
de ne rien comprendre
too bad de se priver
de pareille façon
de faire accoire
contre soi-même
que ce rythme n’existe pas
la musique est o.k.
le monde itou
on dirait que toute
est à la bonne place
c’est slick
so stick around
le son est une lumière
sur ta langue créole
dans ton corps reggae
la musique est o.k.
nous emporterons dans la langue
les mots ramassés en chemin
nous poserons les mots d’ici
sur tout ce que nous toucherons
y compris ce que nous transformerons
avec l’entêtement de parler partout
et d’écrire sur les pages encore blanches
notre dignité humaine
notre tragédie n’est pas grecque
sur la terre sainte de Memramcook
à peine chrétienne
dans la cérémonie des samedis
on nous accuse de notre histoire
et nous répondons coupables
d’avoir toujours compris
où nous étions
(quand t’es avec les loups
tu cries comme les loups
disait ma mère qui devrait savoir)
nous ne voulons plus ressembler
à ceux qui nous acceptent
à condition que nous effacions
toute trace d’histoire personnelle
qui nous aiment à genoux
devant l’autel de l’aliénation
c’est même pu funny
nous parlons de ce qui nous passe par la tête
dans les virées de la vie
dans la ville de la violence de voir
ce qu’on nous fait
nous parlons comme des anges en transit
des rockers lumineux devant ceux
qui rêvent de « bien parler »
pour faire taire les autres
dans notre pays de mue
worryez pas
nous repasserons autrement
avec la bouche
pleine de surprises
et d’éclats de rire
- Que ressentez-vous en lisant ce poème à haute voix ?
- Chaque groupe de personnes a ses mots propres. Quels sont ceux de votre groupe ?
- Leblanc dit « Quand j’ai découvert...qu’on pouvait inventer, explorer avec cette langue, je suis tombé sous l’emprise de cette mystérieuse aventure. » Relisez le poème à haute voix, mais cette fois-ci remplacez tous les mots anglais par leur équivalent en français. Sans l’invention et l’exploration de Leblanc, qu’est ce qui se passe ?
- Travaillez votre récitation : Ce poème n’a aucune ponctuation, si vous deviez le réciter, comment fixeriez-vous les blancs et les arrêts ?
-
Tentez une expérience de création littéraire :
Écrivez une strophe décrivant ce que vous avez mangé ce matin. La première fois, écrivez-la dans un langage très soutenu (le « bien parler » dont note Leblanc). La deuxième fois, dans la langue secrète que vous partagez avec vos proches.
Liens utiles
Lisez un entretien avec Gérald Leblanc en 2004. Son poème « Pratique de la poésie » est reproduit à la fin.
Leblanc, Gérald, « Éloge du chiac », Éloge du chiac, Moncton, Éditions Perce-Neige, 1995.